La colère n’est pas un problème mais une énergie vivante. et mobilisable.
Date de publication : 25/04/2025
Pourquoi la colère dérange-t-elle autant ?
On parle souvent de la colère comme d’un excès, une perte de contrôle, un débordement à éviter.
On nous apprend très tôt à la taire, à la cacher sous des sourires, à la remplacer par des mots polis ou du silence.
Pourtant, la colère fait partie des émotions fondamentales identifiées par le psychologue Paul Ekman. Elle est présente dès l’enfance et observable dans toutes les cultures. Elle n’est ni mauvaise, ni immature.
Elle est vivante, utile, et protectrice, lorsqu’on apprend à l’écouter.
Elle signale que quelque chose n’est pas juste pour nous. Elle surgit quand nos limites sont franchies, nos besoins ignorés, ou nos valeurs niées.
Ce que dit le corps quand la colère monte
Quand la colère s’éveille, c’est tout le corps qui parle.
Le système nerveux passe en alerte : le rythme cardiaque s’accélère, les muscles se tendent, le souffle se modifie.
C’est l’amygdale, ce noyau émotionnel décrit notamment par Joseph Ledoux, qui tire la sonnette d’alarme : danger, injustice, besoin non respecté.
Mais ce mécanisme de défense, très utile dans un environnement hostile, devient souvent inadapté dans notre quotidien civilisé, où l’on attend de chacun calme, maîtrise et adaptation.
Dès lors, la colère se retourne contre soi, se fige dans le corps, ou explose de manière inappropriée.
Selon Antonio Damasio, neuroscientifique et auteur de L’Erreur de Descartes, les émotions sont intimement liées à nos décisions, à notre rapport à nous-mêmes et au monde. Les ignorer, c’est aussi désorganiser notre pensée.
Derrière la colère, un besoin non reconnu
Chaque colère a une racine. Elle cache un besoin qui n’a pas été entendu.
Ce que dit la colère, ce qu’elle demande :
Ce n’est pas normal qu’il me parle comme ça => Respect
Je n’en peux plus d’être seule à tout porter => Soutien, équité
On ne me voit jamais => Reconnaissance
Je suis à bout.=> Repos, espace, recentrage
Marshall Rosenberg, créateur de la Communication Non Violente (CNV), nous rappelle que la colère est l’expression tragique d’un besoin non satisfait.
Quand on apprend à l’écouter avec bienveillance, elle cesse d’être un obstacle et devient une boussole intérieure.
Et si la colère ne venait pas de nous ?
Certaines colères ne sont pas nées dans l’instant présent.
Elles sont héritées, transgénérationnelles, ou refoulées depuis longtemps.
En thérapie, je rencontre souvent des femmes qui n’osent pas dire non, qui encaissent, jusqu’à l’implosion.
Des hommes élevés dans l’interdit émotionnel, qui n’ont pas le droit d’être vulnérables, et qui n’ont que la colère pour exister.
Des enfants trop seuls, trop tôt, pour qui la colère devient une langue de survie.
Didier Dumas, psychanalyste transgénérationnel, écrivait que certaines émotions traversent les générations faute d’avoir pu être dites ou symbolisées.
La colère, quand elle n’a pas été entendue chez nos mères ou nos pères, s’installe dans nos corps, dans nos comportements, jusqu’à ce que nous décidions de la transformer.
En thérapie, on ne calme pas la colère, on l'exprime, on traduit son message.
Ce que je propose, ce n’est pas d’apprendre à gérer la colère, l'humain n'est pas une entreprise à gérer, c’est plutôt d’apprendre à l’habiter autrement, à la laisser passer comme une émotion. La colère marque le territoire, l'expression de soi, ses limites...
- L’art-thérapie permet de lui donner une forme : un monstre rouge, une flamme noire, une silhouette trop grande pour soi. La représentation apaise, l’image ouvre un espace de dialogue.
- L’hypnose permet de revenir à la scène intérieure où la colère a été enfermée par le biais d’une transe douce et sécurisée, on peut proposer une nouvelle issue, un apaisement, une réparation.
- Le travail transgénérationnel permet d’identifier des loyautés invisibles comme des colères portées d'un ancêtre et qui ne nous appartiennent pas (une grand-mère humiliée, une mère muselée, un père trahi). Une fois reconnues, ces colères peuvent être restituées avec respect.
- Les outils de régulation émotionnelle (méthode TIPI, ancrage sensoriel, respiration, cohérence cardiaque) offrent au corps un repère de sécurité intérieure, pour que la colère cesse d’être un danger et redevienne une information.
La colère n’est pas un obstacle mais une invitation à comprendre ce qui n'est pas ok à l'intérieur de soi.
Elle ne vient pas pour détruire mais plutôt restaurer.
La colère nous invite à nous respecter, à poser des limites, à réintégrer notre pouvoir personnel. Ce n’est pas l’ennemie de l’amour car elle est le socle du respect de soi.
Travailler avec la colère, c’est travailler avec la vie qui veut revenir.
La colère n’est pas ce que l’on croit.
Elle n’est pas cette explosion incontrôlée, cette brutalité, ce débordement qui fait peur, non! Ça, c’est ce qu’on voit quand elle a été trop longtemps enfermée.
La colère, la vraie, celle que j’observe en thérapie, est une messagère fine et puissante.
Elle ne crie pas toujours.
Parfois, elle murmure : “Respecte-toi.”
Parfois, elle insiste : “Ne laisse plus faire.”
Elle signale une blessure qui n’a pas été nommée, une injustice non digérée, un besoin resté sans réponse.
Ce n’est pas la colère qui détruit, c’est le silence autour d’elle,c’est la confusion entre son feu sacré… et la violence qui surgit quand on ne l’écoute plus.
Apprendre à l’écouter, c’est apprendre à se respecter sans se justifier,c’est poser des frontières sans attaquer, c’est habiter sa vérité sans avoir besoin de la crier.
La colère n’est pas un caprice à réprimer, mais une messagère intérieure qui vient nous avertir qu’un besoin profond n’est pas respecté, qu’une limite a été franchie, qu’un territoire symbolique a été envahi. Lorsqu’on l’écoute, elle nous guide vers plus de justesse.
Colère et violence sont souvent confondues, mais elles ne sont pas la même chose. La colère est une émotion, une énergie qui monte pour protéger, dire non, défendre ce qui est précieux.
La violence est une réaction destructrice, souvent liée à l’incapacité d’exprimer cette colère de façon saine.
La colère, lorsqu’on la reconnaît, devient alors une boussole.
Sandy Surace Domenech - www.sandy-psy.fr/blog
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